Exception 14-18
En premier lieu, une voiture de liaison et de transport d’officiers directement issue de la gamme civile : il s’agit là vraisemblablement d’une “Dodge Brothers” dans sa version torpédo. La marque des frères Dodge, ci-devant collaborateurs de Ford, est née en 1914, et sa très solide voiture de 4 cylindres – 25 chevaux au frein – connut une belle carrière militaire et civile à la fois pendant une dizaine d’années. Les connaisseurs remarqueront qu’il s’agissait là d’une voiture assez lourde, justifiant des roues avant à 12 rayons bois – la moyenne en France était à 10 rayons à la même époque.
Ensuite, aisément reconnaissable à son groin esthétiquement discutable et à son radiateur positionné derrière le moteur – façon Renault – le MACK “bulldog” – on comprend pourquoi rien qu’en le voyant – roulant comme les camions de l’époque sur bandages de caoutchouc dur, et sur de puissantes roues bois à rayons de section carrée.
De silhouette plus basse que le précédent, le dernier est un camion “Liberty” connu pour sa robustesse et sa rusticité : des quantités eurent un prolongement de carrière dans le civil, et en France, ils firent le bonheur des industriels forains jusqu’aux années cinquante car, à défaut de rouler vite, ils pouvaient hâler plusieurs remorques – ils furent remplacés, à l’époque des surplus, par les MACK 6×4 et les Diamond 6×6 châssis long – Cet engin a mieux survécu car utilisant des roues à rayons en métal moulé, dites “artillerie” qui vieillissaient mieux que le bois.
Kégresse made in UK
Voici, dans sa livrée militaire – on lit en effet WD, War department sur le flanc de la bâche – un semi-chenillé anglais très “vintage” : il s’agit d’une camionnette Crossley de 1926 – également fabricant de voitures civiles. Sur cet engin sans pare-brise – très Première guerre… – avait été greffé un petit train de chenilles de la méthode Kégresse qui, à l’époque, avait beaucoup séduit au quai de Javel à Paris : les usines Citroën sortirent à la même époque les fameuses B-2 de la “Croisière Noire” – mais avec pare-brise – puis les B-12 avec un dispositif chenillé pratiquement identique.
La chenille elle-même est une bande caoutchouc, et les roues avant sont en bandage plein, tout cela garant d’un grand inconfort qui est le prix à payer pour une élimination du risque de crevaison, très courant à l’époque sur le réseau routier.
Les premiers 4×4 des USA
Le premier effort de guerre américain, en 14-18, fut à l’origine d’innovations technologiques dans le véhicule militaro-civil qui garda malgré tout, à l’œil, un aspect résolument antique. Deux marques produisirent ainsi des camions un peu cousins, mais d’avant-garde par une spécificité encore inconnue, le 4×4.
La marque FWD – le sigle de Four Wheel Drive – traduisible par quatre roues motrices, entre 1912 pour les prototypes et 1930, fabriqua, ou fit fabriquer sous licence, vingt quatre mille “Model B” – dont 16 000 pour l’effort de guerre.
Un chariot de western avec un avant de tramway, pourrait-on résumer à la vue de ce camion antique au possible : derrière un énorme volant presque horizontal, le conducteur était juché en plein air, très haut car au dessus du moteur – le légendaire Wisconsin de 50 hp, 4 cylindres en deux groupes borgnes, jamais de problème de joint de culasse puisqu’il n’y en avait pas. Un châssis d’une simplicité biblique, des roues à bandage – d’abord à rayons bois, puis en acier moulé de…220 kg pièce !. Mais la cabine avancée – COE en américain – n’était pas la seule innovation une boite de transfert centrale transmettait le mouvement aux quatre roues pour atteindre, dans les meilleurs cas, 23 km/h… Mais cela devait suffire pour que le conducteur puisse maîtriser l’animal rustique à défaut d’être fougueux.
La marque Jeffery, dans le Wisconsin, faisait aussi son “Quad” dès 1914 puisque l’astuce de la transmission sur roues directrices avait été trouvée, et le camion quatre roues motrices – et directrices – s’appela Nash “quad” après le rachat de Jeffery en 1916.
Le camion eut une carrière internationale civile et militaire puisque 11 500 exemplaires servirent sous les drapeaux la toute première phase de mécanisation de l’infanterie et de l’artillerie – sur une production totale de 41 000 camions entre 1913 et 1928.
Voici un exemplaire survivant photographié à Béthune.
Les “IH” civils
L’infanterie perdant le goût de la marche à pied qui avait fait sa réputation, au retour de la “Grande guerre”, l’armée US commença sa mécanisation à partir de la production routière civile. Il s’ensuivit une apparition de plus en plus importante de camions verts conduits par des soldats en chapeau “quatre bosses” et leggins cuir.
Voici à titre d’illustration, un convoi à l’arrêt de camions fabriqués par International -Harvester en 1918.
Et la classique “T”
La Ford modèle “T”, qui atteignit des records de production durant des lustres – 15 millions de voitures entre 1908 et 1927 ! – fut largement vulgarisée par Laurel et Hardy en caricature de “tacot”.
Mais cette auto à deux vitesses et à la conduite si particulière eut aussi une vie militaire, notamment dans le service de santé. Beaucoup vinrent en Europe durant la Première guerre. Voici un exemplaire survivant et superbement restauré d’une ambulance à caisse totalement en bois.