L’indépendance suisse durant la seconde guerre est connue de tous ; cela a induit une spécificité délibérée du matériel militaire de l’armée helvétique qui a, durant des décennies, fonctionné en autarcie et parfois même exportant, comme les fameuses armes d’Oerlikon.
Dans les années cinquante, les suisses utilisèrent un peu de surplus US, modifiant des G.M.C., transformant des Dodge en MOWAG et consentant à utiliser quelques CJ3.
Trois marques nationales se partagèrent le marché, mais en bon ordre : leurs produits se ressemblaient terriblement, les camions à cabine avancée ayant tous la même calandre et partageant moult composants ! La marque suisse majoritaire, connue en Europe pour ses incassables camions civils à long capot, était Saurer. Pour ses véhicules tactiques, elle choisit la cabine avancée en raison de la maniabilité sur route sinueuse. Mais il y avait aussi la marque Berna, sœur jumelle de Saurer, et moins connue, la marque F.B.W. qui se singularisa sur des détails.
Parmi les autres points communs de ces engins particuliers, un choix de diesel dès les années quarante, avec des moteurs lents conditionnant une vitesse de déplacement du même ordre mais avec une motricité convenable. Si la Suisse n’est pas si grande à parcourir, en revanche ça monte souvent, alors…
C’est en 1946 qu’apparut le Saurer 4MH, un véhicule relativement léger de 4300 kg avec un diesel 4 cylindres de 70 hp – à 1900 tours, pas plus ! – et curieusement placé à l’arrière. Mais en 24 volts, avec roues indépendantes. L’engin fut modernisé à deux reprises sur une dizaine d’années de production.
Saurer développait déjà une gamme de véhicules toutes roues motrices au milieu des années trente. Le Saurer 6M – ou M6 pour les militaires – à six roues motrices – boggie arrière en monte simple, roues indépendantes façon Hotchkiss-Laffly – avait un pont avant débrayable. Un diesel lent de 85 hp devait déplacer les 6,7 tonnes de la carcasse. L’engin fut produit de 1940 à 1948.
100 hp cette fois pour mouvoir ce grand-frère 8×8 issu du 6×6 précédent avec un pont avant supplémentaire : le Saurer 8M faisait un peu figure de précurseur lorsqu’il apparut en 1943 : il était destiné à l’artillerie lourde, et il est fort apprécié des connaisseurs car construit à un très très faible nombre d’exemplaires : Bart Vanderveen avance le chiffre de 166 camions à la fois 6×6 et 8×8, ce qui en fait de vraies pièces de collection pour les vrais collectionneurs.
Dans les années cinquante, début de la standardisation, Saurer et Berna fabriquèrent le même camion 4×4 sous des dénominations différentes – Saurer 4CM et Berna 4UM. Le diesel développait 120 hp, les freins étaient toujours hydrauliques, les ponts étaient rigides mais il y avait un blocage de différentiel. La firme Berna produisit, dans les mêmes années cinquante, les camions “2UM” et “4UM”, très proches de ligne. Le premier était plus long , plus lourd et moins puissant, avec des pneus plus petits, le second était le frère jumeau du Saurer 4×4 et améliora les performances. Celui-ci – photo motorfahrer – est un Berna 4UM.
Futur associé du groupe Saurer-Berna en 1982, le constructeur zurichois F.B.W., pratiquement inconnu hors Helvétie, construisit de 1952 à 1959 le gros AX40 qui était un clône de la production Saurer. Cette marque fut la seule à fabriquer ensuite jusqu’au milieu des sixties ce rarissime fourgon radio. On remarquera que le trou DCA du chef de voiture est à gauche : c’est normal, toute la gamme suisse avait la conduite à droite. Sans doute plus commode pour serrer le bord sur les routes de montagne.