Achetée sur Internet, cette carte postale de la maison Nieps est ainsi légendée : “automitrailleuse de cavalerie, camp de Mailly”, tout simplement.
La machine devant laquelle les cavaliers sont fiers de se montrer est un hybride né à la fin de la Grande Guerre, en février 1917. A l’époque, l’armée française disposait de deux mille camions américains WHITE, engins civils sans aucune spécificité guerrière. Sur la base de ce châssis du camion de deux tonnes, MM. Segur et Lefeuvre imaginèrent une automitrailleuse en blindage riveté, avec tourelle tirant vers l’avant et l’arrière. Conception, essais, fabrication durèrent : l’engin n’alla guère au feu avant l’armistice.
La machine photographiée ici est du tout premier modèle, avec éclairage a acétylène, roues à rais bois et bandages caoutchouc, et au vu de son état, elle a “déjà donné”, bien défraîchie et ayant déjà perdu ses ailes avant dans les manœuvres de Mailly. Il en fut fabriqué quelques 230 exemplaires qu’il fallut bien user : grâce à l’énorme stock de pièces qui restaient des camions White, les AM purent survivre jusqu’à épuisement total, jusqu’en 1933, en métropole et dans les colonies, avec comme changement visible l’apparition des pneumatiques de petit puis de grand diamètre à partir de 1922.
Plus connue ensuite a été l’automitrailleuse appelée à tort “White-Laffly” qui n’avait plus rien de chez White puisque le châssis avait été changé pour une base française de chez Laffly, les coques blindées antérieures étant recyclées sans grand changement. Il en vécut 96 exemplaires qui furent en quelque sorte des AM de transition, dépassées dès le début, en attendant l’arrivée de la superbe AMD de chez Panhard.
La White de cette image était blindée contre la mitraille mais pas plus, et disposait d’une mitrailleuse de 8 mm et d’un canon de 37 modèle 1916 – non présent sur la photo. Elle pesait 6,5 tonnes pour un petit moteur de 50 hp et consommait 40 litres aux 100 km, distance certainement très “sportive” pour les quatre occupants s’ils leur arrivait de la parcourir.
Il n’en demeure pas moins que la firme de l’Indiana s’inspira sans doute de ce dessin très simple, à surfaces planes rivées entre elles, pour lancer outre Atlantique le “T-7” blindé en 1933, en supprimant la tourelle et ajoutant un pont avant, tout en gardant des ailes “soft skin” de camion civil. Et White accoucha du bien connu petit-fils de l’AM White, le scout-car M-3 A1 qui n’eut que de courtes faveurs de l’U.S. Army, celle-ci les cédant généreusement à ses alliés jusqu’en U.R.S.S., avant de chouchouter le second descendant, le half-track, qui avait aussi quelques signes d’atavisme.
Jean-Pierre Dardinier