La trogne caractéristique du Ford GTB. On remarquera la position du siège passager. Les roues sont du modèle GMC 750×20. Et à droite de la calandre, face à l’avant, un coffre à outils !
Voici, photographié à Pilsen en 2005, et retrouvée chez nos amis suisses de www.garageoverlord.ch , cette photo d’un rarissime – en Europe surtout – Ford “GTB” dans sa version porte-bombes. Remarquablement complet avec treuil et palan de portique, on y distingue très bien le siège du passager et sa curieuse position d’origine.
Voici bien un produit Ford pratiquement méconnu en Europe : il fait partie de ces matériels expédiés vers d’autres cieux durant la seconde guerre, et dont l’apparition sur le vieux continent n’a été qu’exception. Comme ce fut le cas pour le Studebaker 6×6, rarissime cousin du GMC, qui a surtout fait sa guerre sur le front de l’Est car attribué aux russes au titre du « lend-lease ». Et inspiré quelques ZIL du futur…
Le Ford GTB, aux USA, servit beaucoup dans la Marine par exemple, et s’il voyagea, ce fut pour aller vers le sud-est asiatique. D’où ce surnom de « Burma jeep », bien que la ressemblance avec cette auto paraisse lointaine. Dans les chiffres US, la fabrication du GTB va apparaître presque confidentielle : tout juste quinze mille exemplaires, tous modèles confondus !
Classé dans la catégorie 1T1/2 comme le Chevrolet ou le Dodge 6×6, le GTB avait ce qu’il convient d’appeler une « drôle de gueule ». Une sorte de pékinois à cabine semi avancée, avec moteur décalé sur la droite. Ce qui avait pour conséquence de nécessiter une rotation d’un quart de tour pour le siège passager (ou du chef de bord) : celui-ci avait l’étonnant avantage ( ?) de circuler le dos à l’absence de portière droite. Il voyait ainsi très bien le profil du chauffeur, se tordait le cou à droite pour voir la route, et ignorait tout de ce qui se passait sur le bord de la route : pas idéal en matière de sécurité !
Issu de diverses modifications d’un produit de gamme civile, le GTB avait un empattement court, une silhouette basse et fut apprécié pour sa maniabilité et son court rayon de braquage, il semblait approprié pour le transport aérien mais en bénéficia peu. Pare-brise baissé et débâché, il faisait vraiment très bas, moins d’un mètre cinquante. Son moteur 6 cylindres de 90 hp était relayé par une boite à quatre vitesses et deux niveaux de transfer-case. La vitesse était modeste (45 mph) mais avec un réservoir de presque 200 litres, il avait une rare autonomie de plus de 650 km, ce qui ne devait pas être inutile en Birmanie.
Le véhicule fut construit de 1942 à 1944 dans une usine Ford du New-Jersey, sous différentes variantes : le cargo classique (à caisse un peu surbaissée), une variante pour la Navy, quelques wreckers, et surtout une grande quantité de porte-bombes (pratiquement la moitié de la construction totale) en deux versions, roues jumelées ou roues simples. Une relative petite quantité fut équipée d’un gros treuil avant de 5 tonnes.
Lors d’Overlord 99, au petit matin du 6 juin, l’on vit apparaître à Vierville un superbe GTB : belle et méritoire restauration de la part d’un amateur courageux, venu de surcroît d’Europe centrale par la route ! Un véritable événement, en principe, pour tout collectionneur, mais qui coïncidait avec l’heure du sandwich : il passa presque inaperçu des vieux bidasses agglutinés à la porte du bistrot. Cette indifférence quasi générale reste pour moi un souvenir consternant, heureusement nous fûmes une poignée à identifier l’exceptionnel et honorer l’heureux détenteur dans un laborieux échange linguistique. Quant aux autres, ce n’est pas demain qu’ils croiseront à nouveau un GTB qui fonctionne. Qu’ils se consolent avec des M-201 étoilées, et comme par hasard du « HQ » de la « 82 AB » pour parer à toute originalité dans la recherche historique.