Tirant un 155mm de Bange, ce tracteur Latil TAR de 1914 – 4 roues motrices et directrices – est un concurrent du Panhard-Chatillon. Il bénéficie d’un camouflage sommaire au pinceau, précurseur pour l’époque, et l’on distingue tout en haut, l’écouvillon,ustensile cher aux artilleurs et servant au “ramonage” du tube.
En version basique, le Latil TAR de 1914-18 était rustique à souhait.
Version “seconde guerre” née en 1933, le Latil TAR H2, ici en châssis nu, rend très visible le porte-à-faux avant remplaçant le capot alligator de son “papa”.
La jeep française d’avant l’heure : Latil M7T1, objet rare en collection
Version aérée pour ce tracteur Latil M2TL6 refusé par la France mais acquis par l’armée belge, toujours haut sur pattes avec ses 4 roues motrices et directrices. Le conducteur donne l’échelle.
Juste avant la guerre, Latil proposa ce tracteur 8 roues motrices, les quatre extrêmes sont aussi directrices, qui pouvait tirer jusqu’à 100 tonnes, dit-on. Il fut sans lendemain pour la marque, mais le concept fut utilisé par d’autres…
Le chant du cygne de Levallois : le Latil 1955 “M18 T2” à moteur Hotchkiss 6 cylindres, camion léger toujours fidèle aux grandes roues à voile plat, avec ailes pliées façon REO américain. La commande ne dépassa pas 125 exemplaires et la réputation ne fut pas fameuse ! Celui-ci, une fois réformé, fut utilisé par les pompiers de l’Ain.
Dans la mémoire des plus anciens, le nom de LATIL évoque instantanément un engin très particulier : le tracteur forestier, généralement orange, à quatre immenses roues agricoles et avec sa grosse bêche d’ancrage dressée à l’arrière.
Mais cette entreprise fondée à Marseille par les frères Georges et Lazare Latil a connu un éventail d’activités beaucoup plus large, allant de divers camions d’avant-garde aux véhicules militaires, de voirie ou de pompiers, avec comme fil conducteur commun de n’avoir connu que de petites séries. Un point partagé avec nombre de créateurs dans le monde automobile français qui n’ont jamais pu, su, voulu, dépasser le presque artisanal et s’attaquer à un échelon plus important de conquête du marché et d’ampleur de fabrication, ceci malgré des produits à technologie intéressante.
L’aventure LATIL s’acheva au milieu des années cinquante avec une fusion “Latil-Renault-Somua” qui donna quelque temps SAVIEM avant le phagocytage définitif par Renault R.V.I.. Mais elle avait commencé avec les pionniers : en 1897, il y a 110 ans, fut déposé le brevet “avant-train-Latil”. Une première approche de traction avant sur des voitures à moteur simpliste qui avaient encore des airs hippomobiles, une année plus tard cela fonctionnait en vrai. Mais déjà en série très limitée.
C’est en 1911 qu’apparurent les premiers camions, avec le faciès encore dominant à l’époque, le fameux capot “alligator” avec radiateur à l’arrière. Une version militaire fut assez rapidement avancée, avec déjà cette vocation de tracteur paisible. Les moteurs en effet avaient de faibles régimes, et le système “avant-train-Latil” à cardans première génération, métal sur métal, ne supportait pas de vitesses excessives tout en encaissant très bien l’effort. L’heure était au tracteur.
Ainsi naquit pour l’armée un tracteur d’artillerie à quatre roues motrices et directrices, en 1913 : le LATIL “TAR” avait ces roues de grande taille à bandage, mais était néanmoins plus surbaissé que son rival Renault, cousin d’allure. Et il avait aussi un blocage de différentiel, tout cela, comme pour le Panhard-Chatillon, grâce à une lourde cascade de pignons et un bouquet d’arbres de transmission qui ne favorisaient pas la nervosité.
Les années passèrent et LATIL, à Levallois, fit évoluer tranquillement son tracteur militaire qui, vers la fin des années trente, devint le “TAR H2” construit…à 470 exemplaires tout juste. Avec cette modification de silhouette qui lui conféra un grand nez, pratiquement tout le capot moteur en porte-à-faux avant. Toujours avec ses grandes roues. Un air de cousinage avec les – rares aussi – camions “Lorraine” et les camions belges “TAL” de la marque souvent oubliée BROSSEL qui termina dans les autobus urbains après-guerre.
Toujours en petite série, la gamme fit des tentatives en 6×6 et même 8×8 qui furent sans grand succès, puis des prototypes vers une chenillette inspirée du Bren-carrier – créneau pris ensuite par Renault – ou une automitrailleuse de découverte – créneau gagné par Panhard. Dans les poids plus légers, reste cependant un classique gaulois, le LATIL “M7T1”, un petit véhicule 4×4 fabriqué en 1939 à quelques centaines d’exemplaires et réédité à la Libération en petite série aussi – gendarmerie et troupes coloniales. Un engin un peu hors norme car très surbaissé malgré ses grandes roues, toujours épargné par la simplification mécanique : le volant restait à droite, “à l’ancienne”, et le siège était pratiquement posé sur le plancher, induisant une conduite presque à jambes tenues horizontalement.
Et il y eut aussi le méconnu “M2TL6”, sorte de command-car haut sur pattes. L’armée française en accepta quelques exemplaires comme tracteurs routiers du Génie, mais lui récusa une affectation dans l’artillerie. En revanche, la Belgique, la Finlande et la Roumanie l’acceptèrent volontiers pour cette mission. Les généraux de salon des années trente n’avaient pas tous l’audace visionnaire et encore moins le sens de l’innovation dans la mécanisation… Quant à ceux qui croyaient à cette mécanisation, ils avaient tendance à multiplier l’échantillonnage, garant par la suite d’insupportables problèmes de maintenance.
Pendant l’occupation, la marque, comme les autres, travailla – un peu, toujours à son rythme lent – pour la Wehrmacht. Dans les années qui suivirent la Libération, LATIL fit quelques tentatives timides d’implantation sur le marché du camion, avec quelques autocars, camionnettes, chasse-neige, engins d’incendie, tracteurs sur rail, bennes à ordures, caractérisés par des designs un peu vieillots, puis se limita vite au créneau des tracteurs forestiers, repris par BRIMONT à la fin du règne LATIL.
Il y eut aussi quelques propositions assez “exotiques” en collaboration avec MATENIN qui fabriquera quelques engins rares par la suite, du style poseur de mines par exemple. Le dernier véhicule militaire LATIL fut un petit camion 4×4, toujours à grandes roues pour l’époque, ultime série très confidentielle, – cogérée avec Hotchkiss, marque elle aussi en réanimation difficile – qui ne connut à la fin des années 50 que des affectations marginales.