Caricature du marxisme décliné à la prussienne, l’Allemagne de l’est – ex-D.D.R. ou ex-R.D.A. – s’est longuement démarquée – technologiquement – du bloc soviétique en s’appuyant sur ses structures industrielles restantes pour équiper ses troupes en matériel militaire dans les premières décennies d’après-guerre.
Cela a donné un certain nombre d’engins spécifiques à tirage limité qui sont donc, par définition, pièces de collection et, de surcroît, des souvenirs de la guerre froide et du sinistre rideau de fer dont le fleuron était le mur de Berlin.
Par ailleurs, nous parlons des fameuses Trabant et de leur dérivée militaire en “kübel”, ce sont les plus connues. Chez les civils, on vit même sur le marché apparaître la voiture “E.M.W.” construite à Eisenach, copie conforme de la célèbre BMW cabriolet 15 chevaux d’avant-guerre avec comme seule différence le blason de la marque passé à l’Est : carreaux bleus et blancs pour les bavarois, rouges et blancs pour les “ossies”.
Les “Kübel” de Chemnitz
L’usine Barkas située à l’ancienne Chemnitz, rebaptisée originalement Karl-Marx-Stadt s’attacha à concevoir, comme tout le monde à l’époque, de petites voitures radio de commandement 4×4 d’inspiration “jeep”.
Au milieu des années cinquante, apparut un modèle appelé tout simplement “P2”. Un engin à cinq places, taillé à la serpe, étrange hybride aux allures un peu artisanales. C’était beaucoup plus lourd que la Willys mais avec roues indépendantes sur barres de torsion transversales, des ailes plates et un moteur six cylindres – d’où ce porte-à-faux important du capot avant – développant 65 hp .- notre photo : une P2 “dans son jus” devant un gros KRAZ.
Ce modèle confidentiel dura quand même une demi-douzaine d’années avant d’être remplacé par la “P 3”, avec 75 hp cette fois – et un quintal de plus. Les barres de torsion devinrent longitudinales, et l’engin était censé transporter 7 personnes ou 700 kg. Cela avait un petit air de DKW “Munga” et permit de retarder de quelques années l’adoption en remplacement des GAZ 69 et UAZ venues de l’Est, de maintenance plus normalisable.
Notre photo montre une P3 restaurée dans ses marquages NVA lors d’un rassemblement d’amateurs.
Les camionnettes ROBUR
Robur, une marque qui ne dit rien à personne sans doute : typiquement RDA, cette marque était le nouveau nom de l’usine Phänomen, de Zittau, qui construisait des utilitaires de gamme moyenne pendant la guerre, et notamment les “Granit” restés célèbres chez les amateurs. Le Granit fut ensuite extrapolé durant quelques années après 1945 en un petit camion à moteur 4 cylindres refroidi par air, ceci jusqu’au début des fifties.
Puis Robur, fabriquant des camions légers civils, poursuivit en 4×4 avec ce modèle LO construit de 1961 à 1967 dont on ne peut manquer de trouver une ressemblance avec les Renault TP3 : même cabine avancée, même allure de camionnette civile surélevée.
Le moteur restait à 4 cylindres mais passait à 70 hp au lieu de 60 précédemment, cela lui permettait de rouler à 80 km/h. Le camion léger fut équipé de multiples caisses, celle-ci sur notre photo est une version bâchée utilisée par les “GrePo”, la police des frontières qui patrouillait le long du rideau de fer.
Les rarissimes ERNST-GRUBE
Avant d’utiliser les ZIL 151, l’armée est-allemande eut dans ses garages le typique “G-5” jusqu’au début des années soixante.
Les premiers essais de ce camion eurent lieu en 1953, et là aussi, on ne saurait manquer de trouver un air de famille avec un autre véhicule plus connu… Celui-ci, surtout différencié par son capot étrangement plongeant rappelant le thèque “Praga”, était fabriqué à Werdau dans les usines “Ernst Grube”, célébrité locale.
Il était mu par un diesel de 6 cylindres développant 120 hp, l’équivalent du REO M-35 contemporain. En voici, grâce aux archives Modellmicha, un exemplaire aux essais, équipé d’une caisse tôlée type “shop van”. Il a beaucoup existé en version cargo 5 tonnes, et à l’époque de la naissance du mur de Berlin, on en vit apparaître sur les photos en version “anti-émeutes” avec citerne et lances pour arroser et disperser les manifestants.
Les IFA “W-50”
Au catalogue des marques peu connues, IFA n’est pas mal placée non plus.
Derrière ce sigle se trouve tout un cheminement burocratico-industriel à la suite de la mise en place de la RDA sovietisée en 1945. La firme BMW fut d’abord nationalisée et produisit des berlines proches de la Bristol anglaise, puis laissa la place à E.M.W. en 1952. Cette dernière firme à son tour changea de nom en fusionnant avec Sachsenring et devint I.F.A.
Sachsenring avait initialement fabriqué quelques Horch – de l’ancien nom de l’usine – puis des clônes des D.K.W. deux temps – à l’ouest, on les appelait Auto-Union avec les quatre anneaux de l’actuel Audi – ainsi que des berlinettes Wartburg, et devint à son tour A.W.Z. en 1957 pour fabriquer les délicieuses et polluantes Trabant.
Vous vous y retrouvez ? De toute manière ce n’est pas grave, cela n’existe plus.
Tout cela pour dire que la firme I.F.A. mit sur le marché R.A. et aussi largement à l’exportation – y compris vers les pays non communistes, mais c’était plus dur – quelques camions dont celui, polyvalent – civil et militaire – qui est resté un classique sous le prénom de “W 50”. Un gros 4×4 à roues non jumelées et pneus énormes, cabine avancée, qui arriva sur le marché en 1985. Il était mu par un V8 diesel sous cabine basculante.