Dans les années d’accalmie de l’occupation, lorsque la Bundeswehr se rééquipa en se modernisant, la voiture de liaison de base demanda, comme en France, une série de tâtonnements exploratoires. Ainsi en 1954, deux marques très différentes se penchèrent sur le problème :
d’un côté Goliath (du groupe Borgward), qui fut toujours un constructeur d’engins peu diffusés, présenta un prototype de 4×4 faiblement motorisé (886 cm3), et Porsche se laissa aller à tenter une Kübelwagen assez trapue et nervurée de 1500 puis 1600 cm3 (avec un pont avant débrayable et 5 vitesses, moteur refroidi par air). Performante mais trop chère, et de beaucoup. Une habitude chez Porsche ?
Une décennie plus tard, il fallut moderniser : cela donna lieu à d’intéressantes recherches dont les prototypes sont encore plus rares que les cheveux d’Alain. Ainsi la firme BMW quitta-t-elle un instant son ambition de luxe pour élaborer plusieurs prototypes à cabine avancée de 1967 à 1971 : ça ressemblait un peu à un petit Citroën « HY » en tôle ondulée, c’était amphibie. Le moteur–maison initial à essence de 2 litres fut remplacé en 1971 par un MAN de 2.5 l polycarburant, ce qui était assez nouveau dans le domaine voiture. Mais il y eut aussi trois tentatives de groupes associés pour l’occasion : d’un côté Messerschmidt-Bölkow-Blohm présentèrent une variante du précédent mais à moteur arrière, de l’autre Hotchkiss-Lancia-Bussing s’associèrent la même année pour un petit véhicule avec pont arrière débrayable. Fiat-Man-Saviem s’associèrent également en 1972 dans le même but, accouchant d’un tout-à-l’arrière amphibie, à pont avant débrayable. Tous ces engins roulant allègrement à 100 km/h. Mais pas vers le succès…
Au bout du compte, la Bundeswehr ne trancha pas tout de suite, continuant à user ses peu coûteuses VW « typ 181 » nées en 1969 : ces copies en plastique de la vieille Kübel de la guerre vécurent aussi dans le civil. Et c’est encore la firme de Wolfsburg qui enleva le marché au milieu des années 70 avec le « typ 183 », un 4×4 connu depuis sous le nom d’Iltis (ce qui veut dire putois, mais est aussi le patronyme d’un général allemand). De ligne générale, l’Iltis rappelait sans nul doute la physionomie du prototype Hotchkiss-Lancia-Büssing. Elle avait cette fois un moteur de 1715 cm3 et beaucoup de pièces de la gamme civile (VW et Audi), et une boite à cinq vitesses, la première était une « rampante » réservée aux manœuvres délicates et au hors-chemins.
Cette voiture, qui ne fut pas un prodige d’originalité mais un exemple de rationalisation, fonctionna fort bien pendant plus de vingt ans dans la Bundeswehr qui les réforma voici quelques années (la fabrication avait duré de 1976 à 1987, quelques dix mille exemplaires), pour la plus grande joie de nombreux amateurs outre-Rhin. Mais il faut dire pour être complet que l’armée française d’occupation en utilisa aussi, et que la firme canadienne Bombardier en construisit sous licence quelques cinq mille pour équiper l’armée canadienne. Une version civile fut commercialisée en 12 volts.
Les collectionneurs français ne se sont pas précipités sur cet engin pourtant efficace de l’époque de la guerre froide, qui fut disponible en nombre et en bon état chez les marchands spécialisés, en Allemagne mais aussi en France, les prix étant plus raisonnables que pour une M-201 clônée et épuisée. Mais son seul défaut fut sans doute un camouflage OTAN qui interdisait les obsédantes étoiles blanches et le défilé de Bayeux. Tant pis pour eux.