Ce curieux hybride entre une camionnette et une limousine nous arrive de Scandinavie : les suédois, aussi fiers de Volvo et Saab que les bataves de DAF, ont aimé dépendre d’eux mêmes pour leur équipement militaire.
Alors, dans les années d’après-guerre, ils ont accouché de cet étonnant bâtard automobile : la « radiopersonterrängbil 915 ». C’est à dire voiture radio tous terrains.
Comme il ne s’agissait pas de perdre de temps en travaux de laboratoire interminables, l’on prit un châssis de camionnette en y adjoignant un pont avant, un gros 6 cylindres latéral très cousin du « Chrysler » équipant les Dodge (3700 cm3, 90 hp) et en parachevant le tout d’une caisse de limousine, un taxi d’avant-guerre fabriqué par Volvo sur des idées glanées aux USA…On avait encore les formes, on allait les utiliser.
Au résultat, cela donnait cette grosse voiture rondouillarde perchée haut sur ses roues 600×16, et la terminologie Volvo « TP 21 » laissa vite la place à un surnom, « Sugga », la truie ! Mais le raccourci simpliste ci-dessus donne une vision incomplète de cette auto très soignée et très élaborée pour l’époque : des blocages de différentiel pneumatiques, pouvant être commandés séparément du tableau (avec voyant lumineux), des ceintures pour les quatre passagers, un pare-brise basculant, et pour les froidures suédoises, un écran de radiateur commandé de l’intérieur, et un système de vannes permettant de faire circuler de l’eau chaude dans le moteur avant de le démarrer.
A l’arrière, tout ce qu’il faut pour une station radio de commandement : une tablette pour une série de postes, trois antennes de toit. En parlant de toit, il y avait même une sorte de toit ouvrant (oubasculant, à la demande) au dessus des radios, suivant la saison. Et avec les outils de bord classiques attachés à la toiture, se trouvait une rallonge flexible d’échappement pour éviter d’incommoder les opérateurs par les gaz alors que le moteur rechargeait les batteries avec une dynamo de 600 watts.
Une direction remarquablement douce et une boite de quatre vitesses (avec transfer-case deux étages et pont avant enclenchable) faisaient de la conduite de l’engin une opération pas si dure que cela : il s’agissait d’emmener les 2300 kilos à vide à quelques 90 km/h. Et pour arrêter tout cela, il y avait deux cylindres de freins par tambour. Le carburateur (un Rochester) ne fut pas le point fort de l’auto, et son appétit était connu. Mais il faut dire que les capacités de cette auto hors chemins étaient au dessus de la norme de l’époque. Beaucoup d’ailleurs ont survécu pour le « fun » des scandinaves : customisées avec une boite auto, un gros V8 et des roues énormes, certaines devinrent des monstres puissants avides de bourbiers et escalades diverses dans les forêts du nord.
Heureusement, un certain nombre ont été préservées de ce « stock-car » forestier (Richard Beddall est bien placé pour le savoir, lui qui en avait acquis un lot énorme à l’heure de la réforme). Sachez que Volvo, entre 1951 et 1958, ne construisit que 720 exemplaires de la TP21, et que le « SuggaRegister » mis en place par des collectionneurs suédois a recensé à l’heure actuelle à peine 140 survivantes, et pas toutes en bel état. Inutile de dire que l’animal n’encombre pas les routes françaises, mais on en connaît au moins une : le numéro 4 de la série, venu des Ardennes et passé par le MVCG MidPy, a pris sa retraite au musée Aubert à Castillon-la-Bataille – prés de Saint Emillon pour ceux qui ne sont pas des forts en géo – avant d’être vendue aux enchères en 2007.
Le véhicule et le blog de Guillaume Duhem – http://590.tp21.org
Ceux de Morten Synstelien – www.tp21.org
Désormais possesseur d’un TP 21, monsieur G. Duhem nous apporte – avec l’aide de son ami Morten – quelques précisions supplémentaires que voici :
“Le précurseur militaire du TP21 fut le TPV – voir le lien intéressant http://www.tp21.org/915_vs_tpv.htm – construit pendant la seconde guerre mondiale en nombre limité et sur lequel la 3ème vitre de custode n’est pas encore obturée.
Le TP21 fut la première “nouvelle” voiture militaire d’après-guerre, basée sur le retour d’expérience de ce Volvo TPV. De manière à standardiser la production, certains éléments mécaniques furent communs au TP21 et aux autres camions légers. Ainsi les ponts de TP21 furent aussi montés sur le Camion Volvo 912 – son ensemble calandre-capot également d’ailleurs. La taille des pneus est passée à 900×16 au lieu du 600×16, ballon jugé trop “fin” précédemment. Les ceintures de sécurité sont à priori pour 3 passagers – les 2 ceintures à l’arrière installés plus tardivement sur certains véhicules/état d’origine, et peu d’exemplaires disposent de ceintures pour les sièges avant.
Le Suggaregister a déjà listé nominativement 240 voitures – Morten en connaît 270 – sur un ensemble de l’ordre de 350 exemplaires qui ont survécu. Environ 75 seulement sont conservés en condition d’origine – mais majoritairement privées de leur équipement radio suédois.”